
Après des jours d'hésitation face à ce qu'ils ont qualifié de «bain de sang» et de «génocide», les Etats-Unis et l'Union européenne ont annoncé envisager des sanctions contre le pouvoir chancelant de M. Kadhafi, de plus en plus isolé après avoir été lâché par ses pairs arabes et plusieurs proches et diplomates.
Face aux violences, les Etats-Unis ont dit envisager «toute une gamme d'options», dont des «sanctions». Les pays de l'UE ont chargé leurs experts d'examiner des gels d'avoirs, des interdictions de visa et d'éventuelles poursuites contre des dirigeants libyens. Et l'Union africaine a finalement réagi, condamnant l'«usage disproportionné de la force contre les civils» et appelant au dialogue. «C'est un massacre en Libye», hurle Omar Ali Mohamed Al-Assadi qui a fui en Tunisie. «Je veux l'intervention de l'Occident pour arrêter ce massacre tout de suite, il faut que les Européens soutiennent les Libyens et ne cherchent pas le pétrole car Kadhafi est fini, il va tomber».La Commission européenne s'est dite préoccupée par le risque de catastrophe humanitaire et évaluait les besoins en cas d'exode de la population qui fuit via la frontière tunisienne, au moment où l'évacuation de dizaines de milliers d'étrangers se poursuivait par air et par mer, dans des conditions difficiles.
Prix record pour le pétrole
La Libye détenant les plus importantes réserves de pétrole en Afrique, le pétrole poursuivait son envolée sur les marchés, atteignant des prix records depuis plus de deux ans, de crainte d'un effet domino sur d'autres exportateurs du continent noir ou du Moyen-Orient.
Plusieurs groupes pétroliers comme le Français Total, l'Italien ENI et l'Espagnol Repsola ont suspendu leurs activités dans le pays et rapatriaient leurs employés.
Sourd aux véhémentes protestations internationales, Mouammar Kadhafi, le plus ancien dirigeant du monde arabe au pouvoir depuis plus de 40 ans, a appelé la police, l'armée et ses partisans à réprimer les contestataires, avertissant de possibles «boucheries» et menaçant de «purger (le pays) maison par maison».
«Capturez les rats!», a-t-il dit en parlant de ses opposants dans un discours télévisé enflammé et belliqueux mardi soir.
Entre 300 et 2 000 morts
Depuis le début de la révolte le 15 février, 300 personnes ont été tuées, selon un bilan officiel, la plupart à Benghazi, deuxième ville du pays située à 1 000 km à l'est de Tripoli et foyer de l'insurrection. La Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) a parlé d'au moins 640 morts, dont 275 à Tripoli et 230 à Benghazi. Et un médecin français tout juste rentré de Benghazi, Gérard Buffet, a évoqué «plus de 2.000 morts» uniquement dans cette ville.
Les opposants semblaient contrôler cette région orientale, de la frontière égyptienne jusqu'à la localité d'Ajdabiya plus à l'ouest, en passant par Tobrouk, Derna et Benghazi, selon des journalistes et des habitants. Des journalistes ont vu des insurgés, en majorité armés, sur la route longeant la Méditerranée jusqu'à Derna où des habitants ont affirmé que des soldats s'étaient ralliés à l'insurrection et démenti des déclarations officielles sur l'instauration d'un émirat islamique.
«Faire peur à l'Europe»
Ces allégations visent «à faire peur à l'Europe», a dit l'un d'eux. A l'extérieur de Derna, des jeunes hommes barbus transportaient des mitrailleuses dans des pick-up, affirmant avoir pris ces armes à des miliciens loyaux à Kadhafi. A proximité, une centaine de personnes réunies à l'extérieur d'une mosquée scandaient: «Kadhafi, tu as fait ton temps».
Sur la route côtière, les gens faisaient le signe de la victoire, manifestaient leur joie et disaient être sûrs que le colonel Kadhafi serait bientôt renversé. Des insurgés brandissaient le drapeau de la monarchie libyenne du roi Idriss, renversée par M. Kadhafi en 1969, qui s'est imposé comme un symbole de la révolte.
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