Thierry Crouzet soulève une question intéressante dans l’un de ses derniers articles : Le Web a tué le journalisme technique. Un billet dans lequel il expose son point de vue de lecteur déçu par la pauvreté technique des tests de matériel informatique – en tout cas en ce qui concerne les ordinateurs portables – que l’on trouve dans les blogs « professionnels ».
Je souhaite apporter mon point de vue car j’estime que le sujet est important, et peut concerner également Presse-citron, même si ce blog n’est pas un site spécialisé dans les tests comme peuvent l’être PCinpact ou Les Numériques, ou encore des sites spécialisés dans la photo.
Je suis d’accord pour reconnaître qu’un test dans un blog aujourd’hui n’est certainement pas aussi exhaustif que ceux que l’on a pu trouver (et que l’on trouve peut-être encore) dans certains titres de presse écrite spécialisée. Mais Thierry s’arrête au constat, auquel on ne peut que souscrire, sans réellement en évoquer les causes. Je suis d’accord aussi pour reconnaître que mes propres tests, que j’essaie de faire les plus complets et objectifs possibles, ne valent pas ceux d’une revue spécialisée ou d’un laboratoire Fnac, mais ils relèvent d’autre chose : l’appréciation personnelle de l’utilisateur qui a gardé le produit longtemps, quand il ne l’a pas tout simplement acheté sur ses deniers personnels.
Le journalisme technique confronté au « temps internet »
Les causes, justement, parlons-en. L’article en question évoque les moyens techniques, les bases de données croisées entre plusieurs titres, et d’autres pratiques qui définissaient selon lui la qualité des tests chez Ziff-Davis. C’est justement de cela qu’il s’agit. On parle d’une époque où la presse était « riche » (en tout cas plus qu’un blogueur indépendant aujourd’hui) et pouvait se payer des laboratoires techniques et des armées de journalistes qui passaient plusieurs jours sur le test d’un seul produit, puis encore plusieurs jours supplémentaires sur la rédaction de l’article. Je le vois encore aujourd’hui, où dans certains voyages de presse mélangeant blogueurs et journalistes, le rythme de travail et la « productivité » ne sont pas les mêmes. Alors qu’un blogueur (ou une équipe de blogueurs) publieront plusieurs articles par jour sur un évènement comme Le Web ou le CES, collant au plus près à l’actualité, le journaliste fera un article de synthèse, fouillé, certes, mais qui sera publié plusieurs jours plus tard (voire plusieurs semaines s’il s’agit d’un mensuel) et sur lequel il aura tout loisir de revenir pour approfondir, corriger, etc. Je ne juge pas, je ne dis pas qu’une méthode est meilleure qu’une autre, ce sont juste deux façons de travailler, deux métiers différents, avec des moyens différents et des objectifs différents.
Le « temps internet » n’est plus le temps de l’industrie traditionnelle, le « temps blogueur » n’est plus le temps du journaliste spécialisé, par conséquent évitons de comparer des pommes et des oranges.
Il ne s’agit donc pas de dire que les blogueurs ne savent pas proposer des tests de produits (avec un peu de connaissance, de compétence et un zeste de passion, tout le monde est capable de le faire), mais que le rythme de travail imposé par le format blog, ajouté à sa faible rentabilité, ne permettent pas aujourd’hui de le faire, et encore moins de se payer un laboratoire spécialisé.
Passion et professionnalisme : incompatibles ?
Mais il y a autre chose, au-delà des moyens et des données techniques, et Thierry Crouzet l’évoque d’ailleurs à demi-mots dans son article (« Je veux qu’on me donne l’impression que quelqu’un déballe le produit pour moi ») : même si cela n’est pas incompatible avec l’idée du professionnalisme, un blogueur entretient un rapport de proximité avec ses lecteurs et revendique normalement sa « subjectivité » (notez les guillemets). Il est alors davantage question de passion et d’impressions, ce que Thierry va aussi rechercher quand il dit qu’il « préfère encore interroger mon réseau social pour obtenir des conseils d’achats crédibles ». Oui, quand je propose un test de l’iPhone 4, non seulement j’ai acheté l’appareil en boutique comme tout le monde sans tarif privilégié (je suis une burne en négociation) mais je le fais aussi par passion, et pas seulement pour soigner mon SEO. Donc, en effet, mon test est sûrement un peu moins complet que celui d’une revue informatique, mais il gagne peut-être en authenticité et in fine je pense que le lecteur peut s’y retrouver.
L’idée de bâtir une base de donnée entre plusieurs sites techniques est intéressante. Cependant je ne pense pas qu’il soit pertinent d’opposer journalisme technique, blogs, recommandations sociales et forums en attribuant à chacun une valeur par rapport aux autres. Ces quatre canaux – auxquels j’aouterais un cinquième, les sites d’avis de consommateurs - participent de la meilleure connaissance d’un produit et donc à la décision d’achat, et tous sont complémentaires. Au journalisme technique les faits, les chiffres et les données, au blogueur les impressions, au réseau social les recommandations des proches utilisateurs.
Dans un prochain billet je vous expliquerai en détail ma façon de procéder pour les tests produits.
Articles sur le même sujet :
Article original écrit par Eric et publié sur Presse-Citron, le 03/01/2011. |
Lien direct vers cet article | © Presse-citron.net - 2011
NOUVEAU : Trouvez gratuitement un développeur / graphiste / référenceur freelance avec Codeur.com
Authors: Eric