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Jeudi, 13 Octobre 2011 14:00

Crowdfunding : encore un peu de patience… la nouvelle vague arrive !

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« El cosmonauta » est un projet qui rassemble les dernières tendances médias, apportant des réponses aux principales questions qui se posent chaque jour sur l’avenir du cinéma, les nouveaux modèles économiques possibles sur internet et au-delà sur l’intérêt d’une culture libre.

Je suis parti en ce début d’année à Madrid pour rencontrer les jeunes membres de la maison de production espagnole Riot Cinéma collective, qui fait sensation en contournant le système traditionnel de production et de diffusion pour réussir à faire le film qu’il souhaite faire et permettre à leur public de le voir comme ils souhaitent le voir (gratuitement sur internet ou bénéficier d’une nouvelle expérience en salle).

Pour Riot Cinéma collective, la réalité aurait pu être terrible, combien de projets meurent sur le bureau d’un producteur. Les films espagnols en 2008 (dernières données) ont été vus par un total de 14.359.230 et seulement 17 films ont pu générer plus d’un million d’euros. (dossier El cosmonauta )

Dans un monde aussi concurrentiel que le cinéma, sans cette volonté initiale de se démarquer, de proposer un autre modèle et une autre vision de la production cinématographique, El Cosmonauta n’aurait peut-être pas vu le jour, il aurait été considéré comme un autre projet de cinéastes indépendants.

En réussissant à tourner leur premier long métrage, ils ont déjà répondu à deux questions que se posent tous créateurs à l’ère du numérique.

  1. Est-il possible de monétiser ce que peuvent obtenir gratuitement les internautes ?
  2. Est-il possible de créer et maintenir impliquée une communauté de la phase initiale à la sortie du film, en faisant en sorte qu’ils aient un vrai rôle et qu’ils contribuent et pas seulement symboliquement ?

L’Espagne est sans aucun doute l’un des pays où l’on télécharge le plus et où faut-il le rappeler la crise fait rage ? Alors comment inviter le public à investir à donner envie tout simplement d’acheter… La solution suggérée et appliquée par Nicolas Alcalà est  d’impliquer dès le commencement le public, du co-financement au processus créatif et à la diffusion. Lui permettre de vivre la production de l’intérieur au plus près,  l’inviter à contribuer et à donner son avis, pour que le film devienne son film.

La clef : Une communauté réactive, collaborative et créative

En utilisant des solutions innovantes comme le crowdfunding et les licences Creatives Commons, ils ont visé à établir une relation plus étroite avec le public, en favorisant le rapprochement dès le début du projet. Ils ne savent pas si cela tient du miracle, mais plus ils ont sollicité leurs communautés, sur les défis importants, plus le résultat dépassait tout ce qu’ils avaient pu imaginer. Il ne s’agit pas uniquement d’une vision marketing ou d’un outil de promotion, mais véritablement d’un poumon de créativité, d’idées pleines de potentiels, qui permettent de dépasser toutes les barrières

Pour mettre en valeur cette dimension créative, le plus bel exemple est évidemment l’affiche du film. Ils ont lancé un concours offrant la possibilité aux créatifs de tous bords et origines de créer l’affiche du film.

Mais ce qui démontre bien cette volonté d’innover et de se rapprocher du public, c’est la possibilité qu’à laisser l’équipe de remixer le teaser du film

Le plus porteur d’espoir c’est qu’elle est aussi réactive et collaborative.

La liberté acquise grâce aux internautes

L’équipe du film ont toujours cru au potentiel du crowdfunding et à l’intérêt de partager, d’échanger et  de faire appel aux internautes. Mais ils n’imaginaient sans doute pas à quel point cela serait profitable. La réussite de cette campagne démontre non seulement que c’est une voie viable de financement, mais qu’elle ouvre des perspectives de développement au-delà de ce qu’on pouvait imaginer… Il  suffit de voir les chiffres, pour faire taire toutes les possibles critiques :

Alors que les membres de Riot Cinéma étaient à la recherche en urgence de 40 000 € après la défection d’une productrice russe, ne pouvant réunir l’argent à temps. Ils ont  su une nouvelle fois ne pas se laisser abattre et ont fait appel à la communauté, qui a démontré une nouvelle fois, son incroyable engouement et sa volonté de soutenir le projet dans la difficulté.

Ils ont récolté 79400 € soit 194 % de ce qu’ils espéraient. En 72 h, 278 personnes ont investi près de 60 000 €, dépassant en quelques jours la demande initiale. En une semaine, c’est donc 350 personnes qui ont investi au moins 100 € pour sauver le film.

A titre de comparaison, ils surpassent le  record de Firefly (plus de $10,000 en un jour). Pour la première fois, un long métrage est en tournage, grâce à la communauté qu’il a réussie à se créer, rien n’aurait pu se concrétiser sans la participation de plus de 3000 internautes et cela sans compter les investisseurs privés. (source : le blog du cosmonaute – article Gracias)

Un storyboardeur manque à l’appel : 150 retweet, 40 propositions et seulement trois heures plus tard, l’équipe est au complet.

Miracle ou vraies perspectives

Flattr,Kachingle ou en France, le site jaimelinfo.fr répondent à une demande des bloggeurs de plus en plus pressante de ressources et de juste rémunération. Les internautes s’informent de plus en plus par internet et notamment sur les blogs d’information. Pour être lu et être visible, le gratuit étant la règle, on essaye de faire appel à une forme d’économie du don ? D’où la nécessité et la volonté affirmée de former et de développer une communauté…

L’exemple Flattr

Conscient qu’il est vain de chercher à changer des habitudes bien ancrées comme le téléchargement illégal, Peter Sunde, par ailleurs fondateur de Pirate Bay, propose à travers Flattr de générer de nouvelles rémunérations permettant de financer la création sans contraindre les internautes ni limiter leur liberté. Il s’appuie sur le constat qu’à l’ère du numérique et  souvent du gratuit, on consomme différemment: on n’achète plus pour posséder, mais l’on rétribue un artiste, un journaliste, pour le plaisir que l’on a pris à écouter sa musique ou l’intérêt que l’on a eu à lire son article. Ces initiatives vont à contre-pied de ce qui se faisait jusque maintenant. La stratégie de l’Etat et des ayant-droits voulant réprimer le téléchargement par la loi essuie un échec cuisant depuis dix ans, sans doute parce qu’elles vont contre la liberté des internautes et contre cette évolution inéluctable du marché. Les maisons de disques apparaissent toujours clairement comme des dinosaures n’ayant pas su s’adapter.

Crowdfunding : encore un peu de patience… la nouvelle vague arrive !

Que l’initiateur de cette tentative soit considéré par beaucoup d’acteurs de l’industrie culturelle comme l’un des principaux responsables de la situation actuelle, et qu’aujourd’hui, ce soit lui qui propose peut-être la solution la plus adaptée, peut apparaître pour certains assez ironique. Mais il répond de la meilleure des manières en proposant une initiative s’appuyant sur l’intelligence collective.

L’idée centrale est de permettre à ceux qui le souhaitent de féliciter et de soutenir le travail d’auteurs de contenus qu’ils apprécient en faisant don d’une partie d’une « cagnotte », dont le montant est déterminé par chaque utilisateur. Le principe est donc simple, grâce à un bouton intégré sur le site, l’internaute manifeste sa volonté de remercier l’auteur en cliquant dessus. Chaque membre de Flattr signale ainsi les contenus qu’il a appréciés et la somme qu’il a injectée dans sa cagnotte se répartit automatiquement et équitablement entre eux. Flattr se rémunère quant à lui en prenant une commission de 10 % sur les versements.

L’une des forces est donc bien cette dynamique communautaire, comme pouvait l’être, une communauté hippie, chacun apporte ce qu’il peut et s’intéresse à ce que fait l’autre.

Là où joue le sentiment d’appartenance et l’univers narratif ?

« Le succès demande plus qu’une grande communauté, mais aussi de la crédibilité et de l’authenticité, une relation avec l’artiste » Robert Pratten, fondateur de « Transmedia Storyteller » et consultant transmedia, abordait ce sujet lors de sa présentation sur l’application des concepts transmedia au monde de la musique.

C’est là où les membres de Riot Cinéma collective ont réussi en construisant un univers narratif pour le film, utiliser internet est aussi pour eux le moyen de se démarquer, d’attirer la lumière dans un contexte difficile. En choisissant toujours l’innovation et la recherche, ils se sont mis en accord avec leur volonté affichée de vouloir provoquer une révolution dans la production audiovisuelle. Ils n’ont pas hésité à partager, commenter les décisions qu’ils ont pu prendre avec la communauté et faire vivre les réussites comme les échecs, amenant le public à s’impliquer.

Sans sentiment d’appartenance, il est très difficile de créer une communauté. Même si le fondateur Peter Sunde, a une personnalité forte, ce n’est pas encore suffisant sans doute, pour mobiliser, gonfler les rangs et donner envie de s’engager envers les rédacteurs de la communauté. Cela sera sans nul doute le sujet d’un prochain article, mais le projet espagnol nous apprend aussi qu’il faut une bonne dose de storystelling pour réussir à mobiliser. N’hésitez pas à donner votre avis.

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