Article rédigé par Cédric Gourgeon
Avant de débuter cet article, quelques précisions s’imposent.
Cette réflexion n’est ni anti-Apple ni anti-iPad, loin de là, et je suis d’ailleurs actuellement en train de rédiger ces quelques mots de mon iPad 2. Il ne s’agit pas non plus d’une annonce de la disparition de notre chère culture, il est question ici d’une culture de masse, où nous sommes tous immergés. Les lignes qui suivent sont tout simplement une analyse et un constat.
Débutons avec une petite histoire personnelle qui n’a guère d’intérêt, mais tout de même.
Je me trouvais samedi 26 mars, vers les 8h, dans une impatiente file d’attente à l’entrée de l’Apple Store Opéra. Inutile de préciser que nous attendions tous sous la fraicheur parisienne de recevoir notre nouveau bijou : L’iPad 2. Attendant paisiblement mon tour, cet événement me poussait à me poser quelques questions, à réfléchir sur certains points, et c’est là que j’ai « tilter » : Apple fait partie intégrante de la culture mainstream d’aujourd’hui.
Mainstream déf. : (adj.) mot d’origine américaine : grand public, dominant, populaire.
L’expression « culture mainstream » peut avoir une connotation positive, au sens de « culture pour tous », ou négative, au sens de « culture hégémonique ». Un film mainstream : qui vise un large public; un media mainstream: média de masse; un produit mainstream: qui se vend massivement; « il veut être mainstream »: il veut plaire à tout le monde.
(définition tirée de Mainstream de Frédéric Martel)
La culture mainstream est le « courant principal ». C’est savoir produire ce qui plaît à tout le monde, ainsi que diffuser des valeurs communes choisies. On associe souvent cette idée au strict cercle du divertissement ou des médias, mais c’est toute une société qui est influencée et touchée par le mainstream. Les grandes compagnies américaines en sont souvent les maîtres, à titre d’exemple on pourrait citer Disney ou les blockbusters hollywoodiens.
Ce ne sont pas néanmoins les seuls américains qui régissent cette culture, si l’on se penche sur l’industrie musicale, un seul des quatre majors (Sony, Universal, Warner, EMI) est États-Unien; Le leader est Universal – qui n’est autre que français. Et pourtant, les hits transpirent d’une forte inspiration américaine.
Traitons maintenant d’Apple.
Certes l’iPad n’est pas commercialisé ou répandu sur l’ensemble du globe, mais si l’on observe par exemple les chiffres du box-office américain, uniquement sept pays étranger en font la majorité, mais le monde entier est néanmoins sous influence intellectuelle du « soft power » américain, l’ensemble des industries du cinéma, de la télévision ou de la musique dans le monde – que ce soit à échelle locale, nationale ou internationale – utilisent les mêmes valeurs, les mêmes codes, que l’on retrouve dans le cinéma hollywoodien par exemple.
Donc non, l’iPad n’est pas disponible de partout, il n »est pas question de la possession de l’appareil, mais de la façon de le voir, la façon de le considérer et la façon dont il a été imaginé et conçu. C’est la façon de « penser » au sein du village global que représente le monde d’aujourd’hui qui prime.
La puissance américaine et leur capacité à développer cette culture mainstream, c’est avant tout une capacité d’innovation, de recherche et de développement, de conception du « produit qui donne envie », de design.. Et tout cela grâce à système très complexe, notamment avec des universités, des communautés, qui sont très complètes.
Et l’iPad c’est exactement ça : Un produit qui donne envie, mélange subtil d’innovation et de design.
On y ajoute des valeurs identifiées et certains codes : Le quotidien, la famille, le ludique, la « révolution technologique », le beau et – le nouveau code de ces dernières années – le « connecté ». Ces traits sont observables que ce soit dans l’usage possible de l’iPad, ou dans les vidéos et publicités d’Apple. L’ensemble de ces ingrédients donne une immersion dans une culture mainstream.
Il faut surement prendre cette affirmation en compte pour définir l’iPad, puisque répondre à : De quelles industries dépend l’iPad ? ou Dans quelle catégorie peut-on le placer ? – n’est pas si simple et la raison est évidente : Parce que l’iPad c’est piocher un peu dans tous les coins du mainstream pour en faire un pur produit mainstream.
Cela n’a rien à voir avec l’industrie du cinéma par exemple. Un film mainstream, c’est un film auquel on ajoute les ingrédients du mainstream. L’iPad, c’est la volonté de créer quelque chose façonné qu’autour du mainstream. Et c’est peut être là qu’une nouvelle industrie naît, reste à savoir comment la définir..
Et comme pour toute industrie qui se respecte, un modèle économique doit être développé : La création de l’App Store. L’App store, c’est les salles de cinémas. Si on complète avec l’iTunes Store – Les DVD – et l’iBook Store – la diffusion télé – on a le panorama complet du modèle économique d’une industrie qui répond à différents besoins.
Sans aller dans une réflexion poussée, il suffit de constater deux situations précises pour affirmer que l’iPad est mainstream :
- Il n’y a jamais eu de Une d’un journal quotidien national – ou régional – dédiée aux tablettes HP, Motorola, Blackberry, Androïd, Asus, Archos et autres, qu’elles soient déjà commercialisées ou non.
L’iPad a fait toutes les unes à un moment ou à un autre.
- Les arguments critiques pour la plupart des détracteurs de l’iPad : « Aucune utilité », « Un gros iPhone », « Si on écoute Apple, tout produit est une révolution », le cliché Apple des guignols de l’info, etc.. Ça ne vous rappelle rien ? Moi si. Que ce soit le cinéma d’Hollywood, ou dans le domaine musical, les avis typiques « Aucun intérêt », « C’est toujours pareil Hollywood », « Cliché », etc..
Les commentaires négatifs sont identiques. Pourquoi ? Parce que c’est du mainstream. Les mêmes codes, les mêmes valeurs, la même façon de procéder.
Tout le monde connaît l’iPad. Quelque part il donne envie à tout le monde. Et ce dans le monde entier.
Mais si l’on pose la question « Pourquoi ? », il est très difficile d’y répondre. Tout comme il n’est pas si évident de répondre à « Pourquoi veux-tu un iPad? » ou « Pourquoi as-tu besoin d’un iPad? ».
Apple a innové : Ils ont su donner vie à la culture mainstream de manière réelle, dans du concret, ce n’est pas un produit mainstream. C’est une culture mainstream, que l’on tient aux creux de ses mains.
Inspiré du livre Mainstream de Frédéric Martel (Janvier 2010)
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