
«Les femmes ont joué et continuent à jouer un rôle à part entière dans les soulèvements et les révolutions dans la région, et ce qui est essentiel, c'est qu'elles sont là en nombre, physiquement, dans les rues», estime Nadim Houry, chercheur chez Human Rights Watch. «C'est un signe d'espoir», dit-il, soulignant que les femmes «devraient maintenant jouer un rôle clef dans les nouvelles institutions issues de ces révolutions».
Elles investissent la Toile La parole des femmes ne s'est pas libérée seulement dans la rue. Si des femmes de toutes les couches de la société ont défilé, les plus jeunes et les plus éduquées se sont aussi tournées vers les nouveaux médias, afin d'appeler au changement dans leur pays. Asma Mahfouz, une jeune Egyptienne dont le blog vidéo appelant à la mobilisation a connu un énorme succès, est considérée comme l'une des voix ayant déclenché la révolte sans précédent qui a entraîné la chute du président égyptien Hosni Moubarak le 11 février. «Si quelqu'un pense que les femmes ne devraient pas manifester, qu'il se comporte en homme et ose descendre avec moi dans la rue le 25 janvier», avait notamment lancé la jeune militante, voilée, dans une vidéo en arabe postée sur You Tube. En Arabie saoudite, où il n'y pas eu de mobilisation massive, des voix commencent cependant à se faire entendre notamment sous des pseudonymes féminins, via Facebook ou Twitter. «J'appelle les Saoudiennes à agir maintenant. Nos frères saoudiens nous ont trahies, car ce sont des lâches», écrit par exemple #SaudiWomenRevolution. Si le futur paysage politique de la région est encore très incertain, les soulèvements ont révélé un mécontentement concernant le système tant politique que social, selon les analystes. «L'important dans les soulèvements en Egypte ou en Libye par exemple, ce n'est pas seulement de se débarrasser du numéro un du régime, de chasser le dictateur», estime M. Houry, chercheur chez Human Rights Watch. «Il s'agit aussi de se débarrasser de tous les ‘-ismes’ qui font que cette région est à la traîne: sexisme, confessionnalisme...»Que cela soit en jean-T Shirt ou drapées de noir, des dizaines de milliers de femmes ont fait entendre leur voix, dans les rues de Tunis, du Caire, de Manama ou de Sanaa, réclamant des réformes dans ces pays. À Bahreïn, où des milliers de manifestants majoritairement chiites réclament la chute de la dynastie sunnite des Al-Khalifa, les femmes ont participé en masse à la mobilisation, leur traditionnelles abayas formant un océan noir au sein des manifestations où hommes et femmes défilent séparément.
« Venir à bout de traditions archaïques»
Dans des pays conservateurs, comme en Libye ou au Yémen, les femmes ont défié les normes sociales pour se joindre à la contestation, défilant dans la rue et parlant ouvertement aux journalistes, face caméra. «Les femmes jouent un rôle essentiel dans la région (...) et elles ont été un facteur-clé pour le démarrage» de la révolution, estime Tawakoul Karman, une militante yéménite, fer de lance de la mobilisation féminine contre le président du Yémen Ali Abdallah Saleh.
«La révolution vise avant tout à renverser le régime. Mais elle a aussi permis de venir à bout de traditions archaïques, selon lesquelles une femme devait rester à la maison et en dehors de la politique», se réjouit-elle. «C'est aussi une révolution sociale. Le rôle joué par les femmes permet de créer une nouvelle société. Au Yémen, la révolution a permis aux femmes de trouver une meilleure place», souligne-t-elle.
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